Il y a un temps pour tout : pour réfléchir, pour produire, pour contrôler, pour apporter des améliorations, mais il y a aussi un temps pour ne rien faire. C’est difficile à vendre pourtant il faut savoir prendre le temps nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en webmarketing.
Il peut être difficile d’entendre qu’il faut lever le pied, patienter encore quelque temps, attendre de voir comment la situation va évoluer. Surtout lorsque des performances sont attendues et que tout le monde s’active à côté. Le proverbe « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation » le résume bien. Aller vite sans bâcler aucune étape – même lorsque l’étape du moment, c’est d’attendre – est tout à fait adapté aux actions webmarketing. Et ce n’est pas parce que tout va très vite dans le digital qu’il faut rester coincé le pied à fond sur la pédale de l’accélérateur.
Quand faut-il attendre ?
Pour prendre de bonnes décisions, il faut avoir des données exploitables et représentatives. Des données dans lesquelles on a confiance. Des données solides à partir desquelles on peut prendre des décisions rationnelles.
Les outils de statistiques dont nous assomment les outils des GAFAM sont remplis de données très précises, mais pas forcément justes ou actionnables. Avoir une hausse de 13,4% de taux de conversion est génial. Se rendre finalement compte que ce chiffre est obtenu sur seulement 4 ventes est-il statistiquement fiable pour autant ?
Parfois, il n’y a pas besoin d’attendre
Évidement, il y a parfois des urgences qui doivent être traitées immédiatement : un gros bug, un tracking qui saute, une refonte très décevante… Dans ce cas, on chamboule les agendas et on se met en ordre de bataille (PRA, plan B, restauration de la dernière sauvegarde fonctionnelle, équipe ad-hoc).
Les vraies urgences sont toutefois rares et si elles se multiplient, il faut aller chercher leurs causes profondes (vous connaissez la matrice d’Eisenhower ?).
Le cœur de tous les problèmes : il n’y a pas assez de données actionnables
À partir de combien de données peut-on prendre des décisions éclairées ? pour un e-commerce ou un site B2B, faut-il attendre les 1000 premières impressions, les 300 premiers clics, les 100 ventes ou les 100 contacts pour agir ? Si on veut piloter à partir des données, il faut attendre d’en avoir assez. Le problème qui se pose alors est de savoir combien de temps il va falloir attendre pour avoir ces fameuses données.
Dans certains métiers, le volume total n’est tout simplement pas suffisant. Il faut alors avoir des clés de comparaison (ça vient avec l’expérience), ruser ou se reposer sur son intuition (ça vient aussi avec l’expérience) et / ou sur la connaissance client (et le client est alors une pièce importante dans l’équation).
L’idéal, c’est de piloter avec des données les plus proches de l’objectif visé.
- Si votre but est de générer des ventes en provenance d’une campagne publicitaire, il faut attendre d’avoir suffisamment de ventes générées à partir des campagnes pour agir. Si les données mettent trop de temps à remonter, on peut regarder immédiatement en amont (mise au panier, création de compte client), ou encore remonter plus haut (critères qualitatifs sur les pages consultées) ou remonter toujours plus haut et voir par exemple le CTR sur les annonces. Mais attention, à chaque fois qu’on s’éloigne de l’objectif, les effets des optimisations apportées auront une influence moins évidente sur la finalité.
- Pour les campagnes B2B, si le but est d’améliorer l’acquisition de clients, il faut en plus tenir compte du temps incompréhensible après la récupération d’un lead pour qu’un commercial joigne le prospect, émette une proposition et récupère la signature pour faire remonter la vraie conversion (un client converti) du CRM vers la régie pub qui s’en servira alors pour son apprentissage. Ça ajoute facilement 2 semaines de délai. Alors imaginer optimiser une nouvelle campagne une semaine seulement après son lancement, ça n’a vraiment aucun sens !
En SEO, le problème peut être différent. Pour éviter la rétro-ingénierie, les moteurs de recherche brouillent les pistes et il est difficile d’affirmer avec précision si une action bien précise a eu un effet. Néanmoins, on peut toujours mettre en place des stratégies qui prennent en compte la latence et qui forcent à s’y prendre bien en amont. Et les actions très concrètes se voient malgré tout facilement (netlinking, aspects techniques on-site, remontées de la Google Search Console).
Quelques exemples concrets
Ce n’est pas la bonne période : c’est la saisonnalité
Lancer un chantier important qui sera livré au plus fort de la saison est-il bien judicieux ? Une refonte sur deux est un échec : ce serait dommage que de mauvaises performances arrivent pile avant le black-friday ou Noël pour un e-commerce. En B2B, tout chambouler juste avant une grosse opération de communication liée à un lancement produit ou un salon n’est pas non plus la meilleure idée.
Pour le SEO, pas de grosses livraisons risquées 2-3 mois avant le point fort de la saison. Pour le SEA, pas de modifications lourdes sur les campagnes 1 mois avant la période clé. Ça reporte le chantier de quelques mois ? C’est mieux qu’un échec au pire moment de l’année, non ?
Ce n’est pas la bonne période : c’est la crise
Pensée particulière pour la période actuelle. Le comportement des acheteurs n’a rien à voir avec ce qu’il pouvait être il y a 2-3 ans. En période de crise, ce qui marche, ce sont les business de crise. Alors, il faut s’adapter et rester agile. Aujourd’hui, en B2C, les acheteurs n’achètent que des bonnes affaires et des promos. En B2B, les investissements sont reportés. Les budgets communication et marketing sont les premiers touchés. Est-ce raisonnable de vouloir obtenir les mêmes performances qu’avant alors que plus rien n’est comme avant ?
Ce n’est pas la bonne période : les dates de comparaison sont mauvaises
Imaginez : vous suivez les clics sur une landing page ou sur une page très importante via un outil type Hotjar ou Microsoft Clarity dans le but de voir ou cliquent les utilisateurs. Par mégarde, vous n’avez pas fait attention à la période d’analyse et un changement majeur a eu lieu sur la page auditée. C’est vite fait : une mise en page différente pour une landing page, un bloc d’animation commerciale qui a évolué pour montrer l’opération en cours sur la page d’accueil d’un e-commerce, une popup temporaire… Les cartes de chaleur et la répartition des clics ne veut plus rien dire. Les chiffres collectés ne correspondent pas à la capture d’écran en arrière-plan.
Probabilité de se faire avoir : 100% ! La plupart du temps, c’est un oubli. Ou alors, on veut vérifier sur une période de temps plus longue. Et on oublie de vérifier que la page est bien restée la même.
Trop d’emails à envoyer
15000 emails à envoyer. C’est pressé. Par contre, aucun outil d’envoi configuré, un domaine non chauffé et pas d’historique. Pour se faire bloquer et passer en spam, c’est parfait.
Quand on veut envoyer des emails en masse après avoir acheté un fichier (pour de la prospection B2B par exemple), il faut prendre le temps de bien faire. Personne n’aime le spam et il n’y a pas de bonnes excuses pour spammer.
Donc, envoyer 100 emails par semaine les premières semaines, vérifier son taux de mise en spam et la qualité du fichier des destinataires puis augmenter progressivement. Il n’y a pas de raccourci magique.
Faire x10 sur son nombre de pages
En SEO, vous pouvez décider de publier massivement des pages. Un import important de produits, la mise en place d’une nouvelle langue, des pages de contenu géolocalisé (logique de content spinning métier + ville par exemple) : aucun problème pour le faire. Mais comment les outils de recherche vont-ils réagir ?
Si votre site stagnait à 50 pages et que d’un coup vous en proposer 20000 à Google, que va-t-il se dire ? Au mieux, il risque de se poser des questions et peut-être vous surveiller de plus près. Quand de grosses modifications arrivent de la sorte, c’est soit qu’il y a une refonte (et ça impacte toutes les pages), soit un piratage (et ce n’est pas bon), soit qu’il y a de l’automatisation (et industrialiser la création de page est difficile à conjuguer avec la haute qualité qu’attend un outil de recherche).
S’il y a beaucoup de pages à publier, il faut saucissonner les livraisons, regarder comment les outils de recherche réagissent (via GSC ou via des outils d’analyse de logs) et adapter le volume des pages à soumettre à l’indexation en fonction.
Test A/B en cours
Pour savoir quelle version fonctionne le mieux, 2 versions d’une même page tournent en même temps et les internautes sont exposés à une des 2 versions. On mesure une conversion (typiquement l’avancée dans un tunnel de vente ou le remplissage d’un formulaire). Les données sont collectées, mais pour l’instant, il n’y a pas encore de vainqueur.
Les outils de tests A/B indiquent quand les données sont statistiquement fiables avec un score de confiance. Tant que ce score n’est pas atteint, il faut attendre.
L’IA n’est pas encore assez bien dressée
Chez les régies publicitaires, il est possible de mettre en œuvre différentes stratégies d’enchères dites intelligentes. On peut par exemple chercher à atteindre un certain volume de conversion, un coût par conversion ou un ROI par conversion. Ces stratégies se basent sur les données récoltées et nécessitent d’avoir un certain volume par période. Par exemple 50 ou 100 conversions par mois. En dessous de ces quotas, l’IA qui bosse en arrière-plan n’a pas suffisamment de données pour travailler et ne peut pas donner de bons résultats.
Le temps des machines n’est pas le temps des humains et collecter suffisamment de données prend du temps. Le refuser, c’est louper complètement comment fonctionnent ces outils et passer à côté de la performance qu’ils apportent. Dans ce cas, autant ne pas utiliser l’IA si c’est pour ne pas prendre en compte ses pré-requis ! Si vous vous entêtez, la seule chose que vous réussirez à faire, ce sera de perturber la machine qui deviendra alors dysfonctionnelle. La performance ne sera plus du tout au rendez-vous et il faudra, au pire, repartir à zéro avec un nouveau compte vierge de tous les essais et apprentissages buggés.
Il faut donc appliquer les stratégies intelligentes progressivement et en accord avec l’historique du compte publicitaire et des conversions déjà réalisées. Ça impose notamment d’avoir un tracking parfait. Sans donnée de qualité, comment demander à une machine de nous apporter de bons résultats ?
Google n’est pas encore passé
Vous avez apporté des modifications sur votre site web ou sur votre fiche Google Business Profile et Google ne semble pas l’avoir pris en compte.
- Du côté de la recherche naturelle, les outils de recherche ont un budget crawl : c’est le temps qu’ils acceptent de passer sur le site par période de temps. Dans l’exemple fictif où Google a décidé de passer 10 fois sur le site cette semaine et qu’il y a 50 améliorations à constater, il faudra attendre que Google revienne plusieurs fois pour tout prendre en compte. Généralement, le tempo d’actualisation, on le subit. Ça peut faire râler, mais c’est comme ça.
- Sur GBP, les modifications sur les fiches établissement sont traitées entre 10 minutes et 30 jours. C’est à vous de vous adapter et de mieux anticiper.
Fixer les limites et s’y tenir
Indiquer en amont quels critères seront surveillés et à partir de quel volume il sera OK de prendre une décision est une bonne pratique. En théorie, tout le monde est d’accord avec. Dans la réalité du quotidien, il faut savoir le rappeler et rester ferme. Face à des chiffres qui ne sont pas bons, la position est difficile à tenir.
Les outils webmarketing sont tous dans une course : à la performance, à la nouveauté, au volume… Ils communiquent en permanence et incitent à faire plus et mieux. Il faut être suffisamment sûr de sa pratique professionnelle pour dicter le rythme et se conformer à son plan. Le but, c’est d’atteindre les objectifs fixés, pas de gesticuler, de tout tester et de ne plus savoir ce qui marche ou pas. Et si la seule solution raisonnable, c’est d’attendre, alors il faut le communiquer et s’y astreindre.
Dans tous les cas, est-ce qu’il y a effectivement un moment où il n’y a vraiment rien à faire ? Si un sujet est en attente, n’est-ce pas le bon moment pour s’atteler à un autre qui n’empiètera pas sur le premier ?