Interview de Christophe BENOIT sur la e-reputation, le référencement et le web.

Voici les questions que nous a posées par Bastien ALLIBERT dans le cadre de la préparation de son mémoire Cesemed à Euromed Management. Les questions étant intéressantes et répondant à des interrogations partagées par certains de nos clients,  nous retranscrivons ci-dessous nos échanges.

Bastien ALLIBERT : Les algorithmes des moteurs de recherche intègre désormais les médias sociaux pour fournir aux utilisateurs les résultats. Digger, De.li.cio.us, Twitter, Facebook, Blogmarking influent aujourd’hui sur les résultats du page rank. Le « user generated  content » et les contenus passant par les canaux ne dépendant pas des organisations sont donc grandement facilité dans leur remontée sur le page ranking de Google/Bing/Yahoo. Cette première page est un enjeu majeur de la stratégie e-réputation des entreprises en constituant leurs vitrines sur le web.
Dans le contexte de cette évolution (que je vous invite par ailleurs à infirmer ou confirmer), je vous adresse les questions suivantes ;

Cette nouvelle variable invalide t-elle l’approche traditionnelle au SEO (notamment les stratégies de netlinking et netbaits) ? De nouvelles techniques émergent –elles de cette évolution ?

Tyseo : Comme toujours, les tactiques développées en SEO sont toujours à la recherche de nouveaux facteurs influant sur le positionnement des sites web dans les résultats de recherche des moteurs. Le SMO (Social Media Optimisation) n’est que le référencement appliqué au médias sociaux. Oui, il est possible de se servir de ses outils pour influer sur le référencement d’un site web. Non, l’approche traditionnelle (basée sur le contenu et les liens) est toujours d’actualité. En fait, les moteurs de recherche ont un peu de mal à juger de l’apport des liens issus des réseaux sociaux car :

  • les liens issus des réseaux sociaux sont produits par les utilisateurs « non informaticiens » et pourraient donc être considérés comme des liens sincères et désintéressés.
  • les liens issus des réseaux sociaux sont manipulables. Ce n’est pas nouveau. On pouvait acheter des « coms » sur Skyblog, on peut aujourd’hui acheter des Twitts, des Likes, des +1.
  • les liens issus des réseaux sociaux ne s’adaptent pas à tous les secteurs d’activités. Ok pour relayer une vidéo fun, un produit tendance, mais qui va naturellement poster un lien pour un produit ménager, un marteau ou une société d’assurance ?

B.A. : Cette nouvelle variable apporte t-elle de nouvelles opportunités pour tenter d’influer sur le contenu accessible depuis la première page ? (viralité ? Buzz ?)

Tyseo : Oui. Dans le cas d’une recherche universelle (page de Google avec des liens web, mais aussi des photos, actus et carto…), les twitts sont surclassés par rapport aux résultats standards. Une info bien relayée peut ainsi être très visible sans nécessiter autant d’efforts que pour une page web classique.

B.A. : Cette nouvelle variable correspond t-elle une perte de contrôle réelle sur le contenu associé à l’identité, le nom ou la marque d’une entreprise accessible depuis la première page ?

Tyseo : Les risques de perte de contrôle sont plus grands qu’auparavant mais les opportunités sont elles aussi plus grandes. Le vrai risque est de ne pas surveiller ce qui se dit de nous sur le web et de ne pas réagir promptement en cas de problème. Les faux avis par exemple peuvent être difficile à contrer et nécessitent du temps pour être nettoyés.

B.A. : Si nous prenons le temps de nous attarder les types d’attaques sur la réputation d’une organisation, quelles sont les évolutions des mesures de réponses curatives à chacune (en opposition au mesure préventive, avant l’intervention d’un élément potentiellement destructeur pour la réputation).

  • Avis négatifs d’opinion : Ouvrir le dialogue. Se présenter en tant qu’entreprise (ne pas se cacher avec un pseudo de type utilisateur satisfait)
  • Diffusion de fausses informations : Se présenter en tant qu’entreprise. Apporter un démenti argumenté. Demander la suppression du contenu à l’hébergeur / responsable du site. Si répété et action volontaire destinée à nuire, intenter un recours légal.
  • Rumeurs : Se présenter en tant qu’entreprise. Apporter un démenti argumenté. Ouvrir le dialogue.
  • Dénigrement : Se présenter en tant qu’entreprise. Apporter un démenti argumenté. Demander la suppression du contenu à l’hébergeur / responsable du site. Si répété et action volontaire destinée à nuire, intenter un recours légal.

Tyseo : Je vais faire une réponse générale à ces 4 points. Les entreprises sont de plus en plus conscientes de l’impact d’Internet et des problématiques e-reputation. Ainsi, les organisations qui souhaitent veiller à leur e-reputation vont automatiser leur veille (via des outils sur mesure / offre SaaS de type Google Alertes et par l’utilisation de collaborateurs au profil adéquat de type Community manager). Dès qu’un risque sera repéré, deux approches seront possibles :

  • tentative de résolution en interne via Community manager / cellule crise / référenceur.
  • tentative de résolution externe via services tiers sur mesure (nettoyeurs de réputation).

Dans les deux cas, les mêmes outils/tactiques qu’actuellement seront utilisés. Utiliser les réseaux sociaux comme outils curatifs me semblent difficile à déployer / automatiser pour contrer une attaque e-reputation. L’utilisation de moyens conventionnels sera certainement plus efficace.

Déjà qu’il est difficile d’avoir des « fans » sur les médias sociaux, demander aux internautes de « défendre » une entreprise pour laquelle le grand public n’a pas spécialement d’attache émotionnelle ne me semble vraiment pas évident.

Par exemple, si Castorama ou Décathlon subissent une attaque e-reputation, irai-je les défendre sur le web même si je suis un acheteur recommandant leurs produits ? À l’inverse, si je suis sympathisant Greenpeace et sensible à leur cause, j’irai certainement les soutenir.

Il reste donc, comme aujourd’hui :

  • Voie légale / demande de suppression de contenu / recours légal
  • Action de référencement pour contrer les attaques via production de contenu, génération de liens et diffusion sur plate-formes sociales.

B.A. : Quel est l’impact de cette nouvelle variable dans les moteurs de recherche sur la gestion de crise, la gestion de scandale associé à l’identité de l’entreprise ? (type : marée noire pour BP ou mort d’employés chez Foxconn, sous traitant d’Apple) je pense ici par exemple à la durée et à l’amplitude de propagation des infos néfastes, clés de l’anticipation et détection de la crise.

Tyseo : En cas de buzz négatif lié à une entreprise, on a :

  • un filtre particulier de détection de buzz qui se met en place chez les outils de recherche (influant positivement ou négativement → Google Bombing par exemple)
  • l’apparition de suggestions de recherche chez Google par exemple

B.A. : Connaissez-vous le cas une entreprise ayant fait les frais de ce nouveau paramètre ? Ou qui aurait mal jaugée son impact dans sa stratégie ?

Tyseo : Personnellement, nous n’avons jamais travaillé sur ce type de bad buzz. Kryptonite est un exemple de bad buzz mal géré.

B.A. : Faisant souvent partie intégrante des stratégies de relations publiques, les stratégies d’influence de la réputation sont aussi soumis à des soucis d’éthiques. Percevez-vous des risques de dérapage par rapports à ces engagements puisque les actions sur les médias sociaux tendront à se multiplier ?

Tyseo : Oui, le negative SEO avec l’automatisation de tactiques néfastes peut nuire à la réputation d’une entreprise à moindre coût et avec des résultats convaincants. Exemple : Influer les suggestions de recherche, publier des avis négatifs sur GooglePlaces en utilisant les petites mains de https://www.mturk.com.

B.A. : Comment percevez vous le future du référencement dans des moteurs de plus en plus dans le « social search » ? Le Social Media Optimization remplacera t-il la SEO ?

Tyseo : Les moteurs de recherche sont vraisemblablement construits par empilement de couches successives. Les couches les plus profondes intègrent les notions de contenu et de liens et ces critères, très importants, ne sont pas remis en cause aujourd’hui. Ceci dit, il serait très dommage de ne pas utiliser les leviers du référencement social pour obtenir des bonus de positionnement. Pour avoir un linkgraph cohérent, il est donc nécessaire d’agir à la fois sur le SEO et le SMO pour éviter toute pénalité ultérieure.

B.A. : Bonus : Votre sentiment sur Google +1 : L’impact de Google +1 sera-t-il aussi grand qu’annoncé ?

Tyseo : Aucune idée. Google a déjà échoué avec Wave et Buzz mais son réseau social Google+ qui utilise Google +1 est a garder dans le viseur. L’impact peut être important si les utilisateurs décident d’utiliser massivement cet outil.

B.A. : D’autres observations ? Autre pistes à aborder ?

Tyseo : Très dur en SEO de faire la part des choses entre les fondamentaux qui ont un impact important et les petites tactiques qui n’apportent pas grand chose pour l’instant mais qui vont peut-être révolutionner la recherche future. Pour essayer de généraliser, tous les systèmes qui représentent les vrais votes des internautes sont dignes d’intérêt. Dès qu’il est possible d’automatiser massivement la création de votes/liens avec ces outils, leur intérêt baisse fortement.